Il fait gris, pour une fois, c’est bizarre et rare surtout. Faut que je sorte, j’ai besoin d’aller acheter des trucs pour Jaelyn. Elle m’a fait une liste et j’ai la flemme d’aller au magasin, mais ça fait une semaine que je le lui promets, alors faudrait que j’me bouge.
« Où tu vas ? » J’me retourne en sursautant. Sidney m’a pris par surprise. Est-ce que j’dois mentionner que c’est fichtrement dur pour moi d’être dans la même pièce que lui pendant plus de cinq minutes sans repenser à la nuit où j’me suis proposée pour coucher avec lui, dans ses intérêts pour Tabitha Cartwright ? J’me retrouve avec ça sur la conscience, et pourtant j’suis sûre que de son côté c’est rien du tout, comme si rien s’était passé. Il arrive à vivre avec, évidemment qu’il y arrive, c’est un mec.
« Des courses. » Sid prend ma veste, ainsi que la tienne.
« J'm'incruste. » Non ! Pourquoi il me fait ça ? On dirait qu’il sait ce que j’pense et qu’il tente d’enfoncer le couteau dans la plaie. J’ai tellement envie de lui dire qu’il me fait chier, avec tout ça. Parce que oui, j’ai une conscience qui me répète sans cesse que j’ai envie de recommencer, et un « bon » côté qui me dit que non, c’est impossible. Bref, on est dehors en peu de temps, et on parle de tout et de rien, la routine. Je l’emmerde cette routine. Les gens sont moins nombreux que d’habitude, sûrement trop occupés à consommer les substances illicites qui font le tour des rues. On arrive devant le magasin en question, on entre et on commence à faire rangée par rangée, essayant de trouver tout ce qu’il y a d’inscrit sur cette foutue liste. Sid s’essaie à faire de l’humour, je souris, sans plus. J’suis trop mal à l’aise pour éviter ses sous-entendus et prétendre que ça me dérange pas. J’suis de dos face au reste du magasin. Du coup, j’comprends pas directement ce qui se passe quand quelqu’un de clairement plus grand que moi entoure mon épaule de son bras. Je soupire en sourdine et mords intensément ma lèvre inférieure, la pauvre.
« On a fini, je crois ? » Vide ta tête, Avery. Respire, calme…
« Ouais. » À peine retournée, je tombe nez à nez avec quelqu’un que je connais trop bien, et qui me fait plus de mal que de bien ces temps-ci.
« Asher… » Il a une drôle d’expression scotchée à son visage. Sid retire son bras avant que j’aie le temps de dire ‘ouf’. Je marche vers l’avant du magasin, faisant mine de l’ignorer.
« Tu peux pas m’éviter éternellement, tu sais ? » J’flanche pas. J’arrive à la caisse et paie mes trucs les uns après les autres. J’détourne la tête un instant, Sid a disparu. Génial, vraiment…
« Bonne journée. » Faux sourire accroché aux lèvres. J’sors le plus rapidement possible du magasin, parce que j’étouffe et que ça m’enrage. Je sais qu’Asher marche derrière moi, et j’ai pas envie de lui faire face. Cet imbécile me fait trop mal, et j’ai l’impression de me faire prendre pour une conne qui s’est donnée trop facilement. Je me tape des 6 ou 7 mois de sa vie qu’il a gaspillés à me courir après. Aujourd’hui, ça vaut presque plus rien, plus à mes yeux en tout cas.
« Fiche-moi la paix, connard. » J’suis à bout, c’est vraiment pas le temps de me chercher.
« Arrête de jouer à ça avec moi, merde ! M’faire tourner en rond comme un chien qui attend que son maître lui donne la permission de faire ce qu’il veut. T’es injuste. » Je m’arrête sec, sans me retourner. Un sourire narquois apparaît sur mes lèvres et je fronce les sourcils.
« Je t’emmerde. Si c’est moi qui suis injuste, pourquoi tu continues de revenir ? » Il se place devant moi après un moment, et je détourne le regard parce que dans le fond, j’suis qu’une froussarde qui a peur de tout.
« J’veux retrouver ce qu’on avait avant. » On avait quoi avant ? Avant, comme il le dit si bien, on avait une relation instable qui tournait autour du fait que je lui faisais pas confiance, parce que je me faisais pas confiance non plus. Avant, c’était une relation qui se disait presque puérile et par-dessus tout, incompréhensible.
« Quand t’auras réalisé que t’es qu’un sale con égoïste qui me fait plus chier qu’autre chose, j’verrai si j’considère qu’on a encore quelque chose. » Marijuana… Jack Daniel’s, Vodka pure, Amaretto. N’importe quoi, je prends. J’continue mon chemin, Asher me rattrape pas, je me retourne furtivement pour voir où il en est, et il a disparu lui aussi. J’retourne à notre repère, soit : l’appartement White.
À SAVOIR & À PRENDRE EN CONSIDÉRATION :
Asher a rencontré Avery dans un bar, un soir d’orage. Impossible de sortir avant l’orage s’estompe, sous peine de devoir en payer le prix si quelqu’un avait le malheur de se faire prendre par la colère que le ciel reflétait clairement en ce début de nuit. La demoiselle avait emménagé la semaine d’avant, et n’avait aucune envie de se faire directement des amis. Elle avait été contrainte à suivre son père suite au divorce de celui-ci avec sa génitrice, à qui elle ne portait pas plus de deux onces de respect à l’époque, et encore aujourd’hui. Sortir de la relation difficile des parents en même temps qu’eux l’a affecté au point qu’elle se renferme quand il s’agit de sentiments ou quoi que ce soit qui y ressemblait. Le temps passe rapidement, et ce n’est pas sans acharnement qu’Asher a poursuivi Avery jusqu’à temps qu’elle daigne lui donner de l’intérêt et lui démontre qu’elle peut aussi être ouverte d’esprit. Il a dû lui dire qu’il allait tourner la page pour qu’elle réagisse. Ils se sont donc mis ensemble. Avery a gardé son problème de confiance, Asher en a joué pour tester leur relation, ce qui a mal tourné la plupart du temps. Disputes constantes, réconciliations plus que torrides, ils sont arrivés au point de ne plus pouvoir se passer l’un de l’autre. Toute bonne chose a une fin, et cette fin est actuellement entrain de se produire. Deux années passent, et c’est toujours la même chose. Un oui ou un non crée des vagues, mais un compromis arrange tout. Cette fois, ce n’est pas la même chose du tout. Ils sont à Kingston, ensemble. Depuis un mois, tout a chaviré, Avery cache à Asher qu’elle a couché avec Sidney dans le but de l’aider à avoir la fille qu’il aime. Ils n’étaient plus trop ensemble à ce point, mais ça a quand même eu des répercussions sur la relation qu’ils tentaient de sauver. Dans l’actuel, Asher s’est mis à draguer, consommer et s’envoyer des lignes – substances entièrement illicites – et Avery a l’impression de s’accrocher à un Asher qu’elle ne reconnaît plus. Elle ne sait plus sur quel pied jongler, surtout parce que Sidney est entré dans l’image et qu’il commence à s’y encrer un peu trop. Une guerre muette a été déclarée entre Asher et Sidney, histoire de savoir lequel des deux joyeux lurons aura le cœur d’Avery. Si ça continue comme ça, elle risque de ne plus jamais le donner. Jamais, c’est un assez long moment…